Le stress, le stress, voilà un mot qui fait partie inhérente de notre vocabulaire contemporain. Il nous accompagne tout au long de notre quotidien. Est-il un faux ami? En réalité, il est un réflexe de survie, un instinct utile à notre corps en cas de danger. Il se montre souvent envahissant, à croire que notre mode de vie actuel est son terrain de jeu favori! Originellement, le stress était un moyen de préparer l’individu à la fuite ou au combat - effort limité dans le temps tout autant qu’intense - Cependant, de nos jours cette dépense d’énergie se montre récurrente et souvent inutile - un candidat à un poste va dépenser beaucoup d’énergie ( trembler ou transpirer, avoir les muscles contractés, le coeur qui bat vite) et risquer de manquer d’énergie pour agir, c’est à dire se concentrer, répondre aux questions, organiser ses idées afin de se mettre en adéquation avec les attentes du recruteur. La bonne formule est par conséquent : une dépense d’énergie minimale pour une efficacité maximale ( Cungi, 2003). En première partie, nous définirons le stress et ferons un focus sur ces trois formes différentes, à savoir : le stress post traumatique, le stress aigu et le stress chronique. En seconde partie, nous traiterons des deux conceptions différentes du stress : une conception physiologique et biologique qui considère le stress comme une source de nuisance et une conception psychologique qui place le stress en tant que variable relationnelle entre l’individu et une situation. La troisième partie de cet article sera consacrée aux mécanismes neuro-biologiques du stress : nous appuyant sur les découvertes récentes faites en neurosciences, nous explorerons les répercussions sur le système immunitaire.
Le stress, c’est la vie (Cungi, 2003)! Il intervient dans toute information ou situation qui appelle une réponse, une réaction. L’ensemble de ces réactions constituent la réponse d’adaptation qui se montrera capable de restituer l’homéostasie - équilibre vital - face aux évènements auxquels nous sommes confrontés (Cungi, 2003). Le stress n’est pas l’apanage des êtres humains; ce phénomène touche aussi les animaux. Une souris face à un chat va réagir : son coeur va battre plus vite, apporter plus de sang et donc d’oxygène à ses muscles. Elle se donne ainsi les moyens de prendre la fuite et de survivre. Si elle réussit dans son entreprise de fuite, elle se calmera, récupèrera en se reposant et en s’alimentant jusqu’à la prochaine tentative d’attaque d’un autre chat.
Le stress peut prendre différentes formes : post traumatique, aigu ou chronique.
Le stress post traumatique ou ESPT, état de stress post traumatique touche les victimes de traumatismes civils (viols, accidents, deuil, vétérans de guerre, catastrophe naturelle…). Les symptômes d’un stress post traumatiques sont nombreux : les reviviscences - durant lesquelles, le patient revit en partie l’évènement : cauchemars, flashbacks… -, l’évitement - le patient évite les personnes, lieux, objets susceptibles de lui rappeler l’évènement -, des troubles cognitifs - problème de mémoire, concentration -, des troubles du sommeil, difficulté à gérer les émotions - envahissement d’émotions négatives (horreur, peur, tristesse, culpabilité…), hypervigilance, irritabilité, perte du goût de vivre…Le vécu de ces situations extrêmes générant un stress post traumatique nécessite un suivi psychologique.
Le stress aigu ou passager, le plus courant dans la vie quotidienne se présente sous trois phases : la phase d’alarme, la phase d’adaptation et la phase de retour au calme. La phase d’alarme constitue la mise en péril de notre équilibre c’est à dire de l’homéostasie. Notre organisme réagit en libérant l’adrénaline dans le sang par les glandes surrénales, d’où les réactions physiologiques telles que l’augmentation du rythme cardiaque, la contraction musculaire, la dilatation des pupilles… Il en résulte : une quantité accrue d’oxygène transporté dans les organes sollicités c’est à dire le cerveau et les muscles. La phase d’adaptation consiste en une réaction au stimulus et une adaptation de l’organisme qui va tendre vers l’homéostasie. Enfin, la phase de retour au calme caractérisée par un retour au niveau initial d’énergie et normal dans la mesure où il ne se présente pas d’autre facteur de stress. Dans cette phase, l’organisme retrouve sa zone de confort et se montre prêt à affronter une nouvelle sollicitation.
Le stress chronique : intervient dans la phase d’adaptation. En effet, si l’organisme est à nouveau sollicité dans cette phase, il repart en phase d’alarme. Etant dans l’impossibilité de se reposer, il entre « en résistance » et ne tardera pas à s’épuiser car notre organisme n’est pas adapté, ni conçu pour gérer le stress en continu. Durant la phase de résistance, le corps secrète du cortisol appelé « hormone du stress », ralentit le métabolisme, affaiblit le système immunitaire, bref, dégrade la santé (Fébo, 2018). Il en découle des troubles divers tels que : des troubles somatiques - hypertension du rythme cardiaque, céphalées, migraines, TMS (troubles musculo-squelettiques), spasmophilie, maladies de peau, crampes…), des troubles du système intellectuel - de la mémoire, sensation de tête vide ou trop pleine, difficultés à s’organiser, TDAH (hyperactivité)…, et enfin, des troubles comportementaux et / ou psychologiques - apathie, pessimisme, irritabilité, tendance au retrait social, achats compulsifs, conduites addictives, perte de sens de la vie, baisse du désir…- ( Fébo, 2018).
Comme nous l’avons vu, la notion de stress est une notion polysémique qui renvoie aux « contraintes » vis à vis des évènements et aux « pressions » d’une personne ou d’un objet (Guillet, 2012). Dans cette optique, le stress peut être considéré soit comme un stimulus ou un agent qui entraîne une manifestation due au stress, soit, non plus comme un stimulus, mais comme le résultat de l’action de l’agent - se sentir stressé - ( Guillet, 2012). Ces deux points de vue se font l’expression de deux conceptions amenant à deux orientations différentes pour définir le stress : les conceptions physiologiques d’une part et les conceptions psychologiques d’autre part, à savoir : les conceptions interactionnistes et transactionnelles.
Dans les conceptions physiologiques, le stress est considéré comme un stimulus, une variable de l’environnement physique et social (Guillet, 2012). Cannon, en 1932, a été le premier a mettre en relation les modifications physiologiques en lien avec l’exposition au stress et à porter son attention sur le fait qu’elles étaient intimement liées à l’équilibre c’est à dire à l’homéostasie qui prend en charge la mobilisation des ressources utiles à la restauration de cette homéostasie. Il en résulte un accroissement de la production d’énergie, une augmentation de la consommation d’oxygène et une accélération du rythme cardiaque (Guillet, 2012). Le modèle spécifique de Selye (1956) a permis d’avancer sur la définition physiologique du stress qui correspond dès lors à « des manifestations organiques non spécifiques en réponse à une agression physique » (Guillet, 2012). A l’appui de travaux réalisés sur des animaux, Selye (1956) a élaboré un modèle théorique : le « Syndrome Général d’Adaptation » (SGA) composé de trois phases : la phase d’alarme correspond à la réponse à la perturbation, la phase de mobilisation des ressources hormonales, la phase de résistance ou d’adaptation correspond à une période de compensation, très contraignante d’un point de vue énergétique car la mobilisation des ressources dépasse le niveau normal de résistance, et enfin, la phase d’épuisement caractérisée par une insuffisance des ressources psychologiques et biologiques - cette phase débouche sur deux possibilités : une positive si l’individu fait face en retrouvant son niveau normal de résistance et une qui débouche sur des conséquences négatives si l’individu voit ses ressources adaptatives s’amoindrir parce que l’agression perdure et gagne en intensité -
Cette conception basée sur un schéma stimulus-réponse est critiquable dans la mesure où elle réduit l’individu à un sujet passif dépourvu de composantes psychologiques et par ailleurs peu à même de faire intervenir une « évaluation subjective des situations environnementales » ( Guillet, 2012). En outre, ce modèle exclut toute variation interindividuelle : une situation peut générer du stress chez un individu mais pas chez un autre individu.
Les conceptions interactionnistes permettent de ne plus réduire le stress à sa composante environnementale (source du stress) ni à sa composante individuelle (les ressources). Relation dynamique entre l’individu et les exigences de l’environnement, le stress peut alors se définir comme « le résultat de l’appréhension individuelle de la situation et de la réaction de celle-ci » ( Guillet, 2012). Le modèle de Lazarus et Folkman (1984) est récent et se montre un des plus aboutis. Pour Lazarus (1966), le stress résulte d’une interaction entre la situation environnementale, les ressources de l’individu et ses capacités à y faire face. Pour lui, le stress psychologique est inhérent à la perception individuelle de la relation de l’individu à l’environnement - perception qui résulte de facteurs personnels tels que les responsabilités, la vulnérabilité, les croyances, les ressources et les facteurs situationnels et environnementales, la nature et l’imminence de la menace - (Guillet, 2012). Le modèle de Lazarus et Folkman permet de mettre en évidence plusieurs types de variables : Les Prédicteurs (causal antécédents) englobent les déclencheurs du stress - agents stresser d’évènements aversifs, tracas quotidiens, professionnels ou familiaux - Les Médiateurs (mediating processes) - stress résulte de la perception de l’écart perçu entre les contraintes de la situation et les ressources disponibles -, Les Effets à court terme (immediate effects) - correspondent à des changements physiologiques -, et enfin Les Effets à long terme (long term effects) - les processus modérateurs et prédicateurs peuvent avoir des conséquences positives ou négatives de trois ordres : conséquences somatiques (fatigue, désordres endocriniens ou hormonaux), des conséquences sur le moral (bien-être, satisfaction) et des conséquences sur le fonctionnement social ou au travail -
Les conceptions transactionnelles centrées sur une définition du stress en tant que « transaction particulière entre l’individu et son environnement » représentent une approche cognitive qui s’éloigne d’une définition du stress basée sur le couple stimulus-réponse. Le stress n’est plus relié à un évènement en particulier mais se fait l’expression d’un « déséquilibre perçu par le sujet entre la situation et ses propres possibilités de contrôle » (Guillet, 2012). Le modèle de Fischer (1984) se focalise sur « l’étude des conditions stressantes de manière plus analytique au plus près des processus cognitifs en prenant en compte les représentations et l’utilisation des connaissances vis à vis de la tâche » (Guillet, 2012). Fischer fait l’hypothèse suivante : les processus cognitifs tels que l’attention ou la mémoire nommées connaissance par l’auteur sont utilisées par l’individu lors des situations aversives et s’en trouveraient affectées. Le stress peut alors se définir comme « une modification de l’équilibre homéostatique qui résulte de la perception d’une perte de contrôle temporaire ou permanente » (Guillet, 2012).
A présent, si l’on se penche sur les mécanismes neurobiologiques du stress, on peut noter :
Une accélération du rythme cardiaque qui entraîne une augmentation de l’oxygène dans l’organisme
Une augmentation du rythme cardiaque favorisant les différents métabolismes
Les rythmes cérébraux qui deviennent plus rapides
La stimulation des muscles par un apport accru d’oxygène et de sucre
Des défenses immunitaires plus actives
Les hormones du stress en l'occurrence, la médullosurrénale et la corticosurrénale (glandes surrénales situées au-dessus de chaque rein), sont libérées dans le sang en réponse à la présence de l’hormone adrénocorticotrope sécrétée par l’antéhypophyse (Stora, 2019). Des recherches récentes ont mis en lumière des interactions de modulation réciproque entre la commande hypothalamique, le système sympathomédullosurrénalien, le système de la corticosurrénale ainsi qu’avec le système immunitaire ( Hubbard, 1998). En outre, une nouvelle discipline la neuro-psycho-immunologie a permis d’établir des relations entre le système nerveux, le système hormonal et le système immunitaire (Stora, 2019). Toutes les études récentes sur la modification des fonctions immunitaires aux cours du stress psychologique et somatique démontrent que l’on observe une diminution du potentiel de réponse immunitaire que possède un individu « dans un environnement psychosocial donné compte tenu de la structure de sa personnalité et de ses capacités d’adaptation » (Villeurain, 1989). Il est à préciser également que l’implication de l’axe hypophyso-surrénalien a été confirmée. Toutefois, il est important de noter que l’abaissement des défenses immunitaires n’entraine pas obligatoirement l’apparition de maladie (Stora, 2019). En outre, des récentes recherches en neurosciences démontrent que lors d’un stress permanent, les souvenirs et les apprentissages sont fortement impactés voire aggravés en raison des glucocorticoïdes qui sont susceptibles d’inhiber l’utilisation de glucose et d’oxygène pour les neurones de l’hippocampe.
Depuis quelques millions d’années, l’être humain a été doté de mécanismes neuro biologiques lui permettant une adaptation à l’environnement et à ses modifications physiques, sociales ou psychiques. Comme nous l’avons appréhendé précédemment, il s’agit pour l’organisme de conserver son homéostasie tout en mobilisant l’énergie utile au processus d’adaptation. Si l’excès de stimulation peut s’avérer dangereux et conduire à des maladies dites du stress ou même à la mort, selon Claude Bernard, « le stress physiologique est nécessaire au rythme biologique, à la fixité du milieu intérieur, par conséquent, la privation de stimulus ou l’absence de stress serait la mort » (Loo, 2003). Nous pouvons en conclure que le stress est un moteur énergétique d’une grande utilité et d’une grande puissance lorsque toutefois il demeure dans le domaine du champ de notre connaissance et de notre maitrise.
Bibliographie
Cungi, C. (2010). Savoir gérer son stress en toutes circonstances. Pocket : Paris.
Fébo, A. (2018). Les cinq clés pour se libérer du stress. Dunod : Malakoff.
Guillet, L. (2012). Chapitre 1. Les modèles du stress. Dans : L. Guillet, Le Stress (pp. 9-38). Louvain-La-Neuve, Belgique : De Boeck Supérieur.
Stora, J. (2019). Chapitre IV. Mécanismes neurobiologiques et maladies du stress. Dans : Jean-Benjamin Store éd., Le stress (pp. 85-105). Paris cedex 14, France : Presses Universitaires de France.
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