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  • Photo du rédacteurAnouchka

Le burn-out : syndrome des esclaves des temps modernes


L’ expression de burn-out a vu le jour dans les années 70 aux Etats Unis où elle est consacrée par des soignants pour décrire un « état d’épuisement, d’irritation, de dégoût au travail » pour d’autres soignants dont l’activité était dirigée vers les métiers d’aide envers autrui. Le burn-out, terme anglais est décrit par le psychanalyste Herbert J. Freudenberger exerçant sur la côte ouest des états Unis, en 1974, dans ses premiers écrits comme « une maladie de l’âme en deuil de son idéal ».

Il est de nos jours sur les lèvres de nombreuses personnes et résonne comme le mal du siècle, à tel point que cette pathologie du travail semble perdre quelque peu son sens de nos jours. Pourtant elle est plus que jamais une problématique d’actualité à l’heure où le bien-être au travail est mis en exergue par les « institutions dédiées à la santé et au travail, dans la recherche ainsi qu’au sein de certaines entreprises ». Certaines grandes entreprises missionnent des ergonomes pour trouver des axes d’amélioration en vue d’apporter à leurs salariés un mieux-être au travail tout en préservant la compétitivité de l’entreprise.


Sur un plan historique, le psychiatre français Claude Weill est le premier a avoir donné en 1959 une description du burn-out dans le Concours Médical sous le titre Primum non nocera : « l’état d’épuisement est le fruit de la rencontre d’un individu et d’une situation. L’un et l’autre sont complexes et l’on doit se garder de simplifications abusives. Ce n’est pas simplement la faute du sujet : de telles façons de voir sont inexactes et au fond, très pessimistes car elles conduisent à l’abstention thérapeutique ». Le burn-out est le résultat d’une combinaison intriquée incluant « le parcours personnel, les conditions de travail et les valeurs » de la personne atteinte. Il en découle selon Claude Weill qu’il serait réducteur de « culpabiliser » le sujet atteint, ce qui ne ferait qu’aggraver son ressenti douloureux, tout comme on ne peut incriminer uniquement les conditions de travail.

Durant les années 70, le syndrome du burn-out refait son apparition aux Etats-Unis où le psychiatre et psychanalyste Herbert Freudenberger emploiera ce terme dans une free clinic, c’est à dire dans des « lieux de soins chargés de la prise en charge des toxicomanes » afin de qualifier « l’état mental des jeunes volontaires travaillant auprès des toxicomanes de cette clinique. Il utilisera la métaphore de l’ « incendie » pour décrire l’état interne des sujets atteints de burn-out qui voient leurs ressources « consumées par des flammes » en dépit du fait que « l’enveloppe externe semble plus ou moins intacte ».

Afin de clarifier la définition du concept qui ne comptait pas moins de 48 définitions en 1982 dans la première revue de littérature (Pearmann et Hartman), C. Maslach et son équipe mettent au point un instrument de mesure : le Maslach burn-out inventory (MBA, 1981). L’usage du MBA a permis de créer un consensus dans la communauté scientifique, facilitant comparaisons et échanges au sein des pays européens.

Il est à préciser que pour l’OMS, le burn-out n’est pas une maladie. Il se traduit par : un épuisement professionnel (sentiment de fatigue intense), une perte de contrôle et une incapacité à aboutir à des résultats concrets dans le cadre du travail (Canouï, 2016).


Il existe trois termes ou expressions qui consacrent le syndrome de burn out et le teinte de différentes acceptions selon Canouï en 2016 :

  • Burn-out syndrome : le verbe to burn-out signifie en anglais : échouer, s’user, devenir épuisé face à un surcroît d’énergie, de force ou de ressources. Dans le domaine de l’aérospatial, ce terme désigne : « l’épuisement du carburant d’une fusée avec comme résultante la surchauffe et le risque de bris de la machine ».

  • Karoshi que l’on doit prononcer Kaloshi : est le terme japonais pour désigner la « mort par excès de travail » ( de Karo, la mort et de Shi, la fatigue au travail ). Avec cette notion, on s’éloigne de la sphère de la « relation d’aide » pour se rapprocher des conséquences dramatiques du « Stakhanovisme » version japonaise; ce qui signifie, donner de son temps et de sa personne sans compter pour l’entreprise qui vous emploie afin de satisfaire aux exigences d’une société au soi collectif.

  • Syndrome d’épuisement professionnel : est le terme consacré en français. Le SEPS est le syndrome d’épuisement professionnel des soignants. Il apparaît comme le terme qui permet de couvrir « tous les effets du travail sur l’individu ».

On peut différencier trois items d’épuisement présents chez les soignants mais il est à préciser que le burn-out est un syndrome que l’on retrouve dans toutes les professions, en tant qu’il est appréhendé comme la « manifestation d’une expérience psychique et physique négative liée à un stress émotionnel chronique causé par un travail forcé auquel l’individu n’arrive plus à s’adapter » (Canouï, 2016) :

  • Epuisement émotionnel

  • Déshumanisation de la relation à l’autre

  • Diminution de l’accomplissement personnel

L’épuisement émotionnel et la diminution de l’accomplissement personnel, « conséquence d’un repli de la personne sur elle-même » sont communs à toutes les professions, en revanche l’impact de la déshumanisation de la relation à l’autre est particulièrement fort dans les professions d’aide. Le trouble s’installe de façon progressive et insidieuse de sorte que le sujet a souvent des difficultés à l’appréhender. Selon Canouï, la symptomatologie va « d’un trouble somatique à des troubles fonctionnels physiques mais aussi à un malaise existentiel pouvant conduire à l’installation de troubles psychiatriques comme l’anxiété, la dépression, et des comportements graves comme les addictions et le suicide.

Selon Saunder ( 2016), la médiatisation des suicides et du burn-out pourrait laisser à entendre que la souffrance au travail serait plus importante de nos jours. La pénibilité physique est en forte baisse au travail actuellement alors que la pénibilité psychique est en croissante hausse. Les causes de cette pénibilité seraient diverses, à savoir :

  • La mondialisation

  • La charge de travail croissante

  • La complexité des organisations

  • La pression managériale

  • La révolution du numérique qui conduit à une « déshumanisation » des relations ( communication par e-mail = rencontre virtuelle) ainsi qu’à une « hyperconnexion », ce qui peut avoir de graves conséquences au niveau cognitif et émotionnel.

Les entreprises sont enserrées dans un univers concurrentiel qui les pousse dans une course effrénée à produire plus, à bas coût ou à inventer de nouveaux produits sous peine de « sortir » rapidement du circuit. Or les managers demandent à leur collaborateurs de s’adapter toujours plus et toujours plus vite mais sans pour autant donner les clés nécessaires à ces transformations.

En outre, ces nouveaux usages du numérique creusent le fossé des tensions émotionnelles possibles. En effet, l’émotion trouve sa source dans le « décalage de la confrontation entre la réalité, un fait et ses aspirations ou croyances » ( Saunders, 2016). Les nouvelles générations privilégient un « fonctionnement horizontal » qui nie la hiérarchie et fondent leurs valeurs sur la compétence. Le mode de fonctionnement de l’entreprise est aux antipodes, privilégiant un fonctionnement « vertical », c’est à dire basé sur la « performance individuelle », alors que les nouvelles générations « internet » passent le plus clair de leur temps à jouer à des jeux collaboratifs et participatifs. Les entreprises vont devoir s’adapter et évoluer afin de réduire le fossé qui se creuse.


En ce qui concerne la santé psychologique au travail, elle comporte une dimension positive qui se rapproche du bien-être au travail, se réclame du registre de la prévention et une dimension négative concernant les RPS ( risques psychosociaux) et qui renvoient à la dimension de réparation ( Saunders, 2016). Il est à noter que la dimension prévention est encore insuffisamment prise en compte par les syndicats et conjointement par les entreprises. S’agissant des RPS, on peut les organiser selon deux grandes dimensions ( suivant deux accords Nationaux Interprofessionnels = ANI ) :

  • Stress qui concerne une proportion élevée de la population

  • Harcèlement, violences et incivilités

Il faut adjoindre le burn-out qui est « un symptôme à prendre en compte comme un indicateur d’alerte de mal-être ( Saunders, 2016).

Actuellement, sous l’impulsion du psychologue Martin Seligman considéré comme le père de la psychologie positive, une recherche scientifique est conduite sur « l’étude des conditions et des processus qui contribuent à l’épanouissement ou au fonctionnement optimal des individus, des groupes et institutions » (Gable & Haidt, 2005). Il ne s’agit pas d’encadrer le concept de bonheur en tant que « norme » ( Saunders, 2016) mais plutôt de s’acheminer vers une meilleure compréhension de la manière dont il jaillit chez les individus et comment il peut s’ancrer au niveau individuel ( efficacité, estime de soi, atouts pour chacun…), social (engagement, éthique…) et interpersonnel (appréhender les mécanismes d’altruisme, d’empathie, de coopération.…). L’enjeu est important car il touche l’aspect protecteur et permettrait une action préventive en ce qui concerne les pathologies telles que la dépression, les troubles anxieux et les addictions… ( Saunders, 2016).


Pour conclure, le burn-out est une réalité qui marque sans doute la limite à la productivité à tous crins. Il est un puissant indicateur du mal-être actuel qui conduit à une impasse face à des demandes toujours plus pressantes de rentabilité au détriment de l’Humain dans des entreprises où l’esclavagisme des temps modernes semble s’enraciner au mépris du changement de paradigme engendré par la « génération internet ».

Pourtant, il semble que l’entreprise joue son va-tout face à cette problématique car elle doit prendre en compte l’absentéisme qui en résulte et représente un coût important, la gestion du stress qui touche à la « compétitivité », des risques juridiques ( loi de modernisation sociale de 2001 et des différents accords nationaux et interprofessionnels signés = ANI, l’entreprise est dans l’obligation de prendre des mesures préventives en ce qui concerne la santé mentale des salariés) ainsi que de la médiatisation toujours plus prégnante qui risque d’impacter sur l’image de l’entreprise de façon négative en soulignant les cas de burn-out et de suicides.


Bibliographie


  • Canouï, P. (2016). Chapitre 2. Et si l’on arrêtait de s’épuiser au travail… Du burn-out des soignants au global burn-out : Le burn-out, pourquoi, comment?. Dans Roland Coutanceau éd. Stress, burn-out, harcèlement moral : De la souffrance au travail au management qualitatif ( pp19-33). Paris : Dunod.

  • Saunder, L. (2016). Chapitre 1. De la souffrance au bien-être au travail : le bien-être au travail : un must et non un nice to have! Dans Roland Coutanceau éd., Stress, burn-out, harcèlement moral : De la souffrance au travail au management qualitatif (pp. 1-17). Paris : Dunod.

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