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La psychologie positive : une discipline intégrative


La psychologie positive pourrait générer un parallèle avec la « pensée positive » qui suggérerait qu’on peut en quelque sorte se persuader de notre capacité à réussir ou être intelligent; ce qui s’approcherait de la méthode Coué conceptualisée par Emile Coué, pharmacien puis psychothérapeute devenu célèbre au XXème siècle pour ses travaux sur l’auto-suggestion. Dans cette optique, cela signifierait que plus nous nourrissons nos pensées de contenus négatifs, plus nous risquons de ruiner notre capital chance de voir notre état s’améliorer.

Ce qualificatif de « positif », appliquée à la psychologie est un moyen de mettre l’accent sur l’intérêt jusqu’alors principal de se pencher sur les troubles psychopathologiques et dysfonctionnements chez les humains et son juste contraire, à savoir les capacités de l’humain à se montrer inventif, résilient, altruiste.

La psychologie positive est une discipline récente qui suscite parfois des interrogations sur une pratique méconnue, souvent confondue avec la multitude de méthodes concernant la valorisation du bien-être et dont les nombreux livres en vente en librairie attestent tout au moins de l’intérêt dudit bien-être à l’égard du grand public. Pourtant, la psychologie positive assoit ses connaissances sur des « démarches scientifiques du plus haut niveau possible en insistant sur une perspective de recherche plutôt quantitative - une démarche scientifique rigoureuse - » ( Shankland & Benny, 2017).

Dans cet article, nous nous pencherons sur un court historique de la psychologie positive, puis nous la définirons en s’attachant à cerner ses centres d’intérêt qui seront un excellent support pour comprendre sa place récente et déjà primordiale dans les branches diverses de la psychologie.


Précédent la psychologie positive, les psychologues tels que Carl Rogers et Abraham Maslow, tous deux leaders de la psychologie humaniste s’étaient déjà penchés sur le fonctionnement humain et la possibilité de son optimisation.

Juste avant la seconde guerre mondiale, la psychologie était dotée de trois missions principales :

  • Le soin de la maladie mentale

  • Veiller à ce que la vie des humains soit « épanouissante et productive »

  • Mettre en exergue les talents dans le but de les aider à progresser

Les différents concepts de la psychologie positive doivent leur préfiguration à divers travaux dont ceux de Lewis M.Terman traitants des talents et du bonheur conjugal (Terman et al., 1938), ceux de Carl G. Jung (1933) concernant la recherche et la découverte de sens de la vie et enfin, aux écrits de John B. Watson sur l’éducation efficace (Watson, 1928) ( Regourd Laizeau, 2017).


En 1998, à l’âge de 60 ans, Martin Seligman alors président de l’APA (Association américaine des psychologues) profite d’une expérience de vie personnelle pour faire une déclaration majeure devant ses collègues prônant que la principale mission de la psychologie devrait être de promouvoir le bonheur de chacun en aidant les humains à trouver un équilibre dirigé vers le positif et le bien-être plutôt que de trouver des solutions à des problèmes (Seligman, Csikszentmihalyi, 2000).

De son côté, Mihaly Csikszentmihalyi vivait en Italie lorsque la seconde guerre mondiale éclata. Il fut interpellé par des adultes qu’il avait connus auparavant et reconnus comme des hommes ayant une bonne estime d’eux-mêmes et une vie satisfaisante, à présent des hommes désespérés parce qu’ils avaient perdu leurs repères sociaux tandis que d’autres se montraient résilients, gardant le cap de leurs objectifs malgré le marasme. Ce qui le poussa à se pencher sur la psychologie humaniste est le fait que ces hommes qui se montraient résilients n’étaient pas obligatoirement des lettrés, ni les plus respectés, pourtant cette force incroyable rejaillissait sur les autres individus et leur permettait de garder espoir.

Dès lors, grâce à l’impulsion donnés par ce duo, la psychologie reconsidérée va s’acheminer vers un nouveau paradigme, pour ce qui est de la psychologie positive - à côté des problèmes individuels et collectifs vient se juxtaposer une vie pleine, « riche de sens et de potentialités » - (Regourd Laizeau, 2017).


Les années 1990 verront émerger ce nouveau courant de la psychologie qui s’intéressera au bonheur et au bien-être; il est bien question de la naissance de la psychologie positive définit en 2005 par Shelly L. Gable et Jonathan Haidt comme « l’étude des conditions et processus qui contribuent à l’épanouissent ou au fonctionnement optimal des individus, des groupes et des institutions ».

Ainsi, la psychologie positive convoquera au niveau individuel des « états de personnalité positifs » ( Regourd Laizeau, 2017) tels que le courage, la persévérance, l’originalité, la sensibilité esthétique, la capacité d’aimer et de trouver sa vocation et au niveau institutionnel, elle invitera les individus à un sens du civisme, à une aptitude à l’altruisme.

La psychologie positive instaurée par Martin Seligman consistera dès lors à aider les individus non pas à évoluer entre le point -5 et le point zéro ( = représentation du continuum entre pathologie et mal-être) mais plutôt à se situer entre les points zéro et +5 ( = représentation du continuum entre l’épanouissement et le bien-être). L’objectif de la psychologie positive n’est pas de rétablir un équilibre en partant d’un trouble ou d’un dysfonctionnement mais plutôt de développer des forces déjà présentes en chaque individu en lui permettant de :

  • trouver un sens à ces actions quotidiennes

  • de se montrer capable de changer ce qui est en son pouvoir

  • de contourner ce qui ne peut-être changé ou pour le dire autrement de se montrer résilient

  • enfin, de cultiver sa capacité d’aimer et d’être aimé

La « sucess story » de la psychologie positive n’a bien entendu pas échappé à quelques critiques concernant :

  • notre évocation sur la pensée positive et la méthode Coué, ainsi que la limite de la contribution apportée par la psychologie humaniste (Bohart, Greening, 2001; Robbins, 2008; Friedman, 2008)

  • le manque de considération des émotions et expériences négatives (Seligman et al., 2005; Lazarus, 2003)

  • le fait que même si elle reconnait la nécessité de prendre en compte les émotions négatives, la psychologie positive axe ses dires (Fredrickson, 2009; Lyubomirsky, 2008; Petreson, 2006) sur le fait que les émotions négatives s’effacent dès lors que l’on pratique un « renforcement sur les points positifs » ( Regourd Laizeau, 2017).

  • « Tyrannie de l’attitude positive » (Barbara S. Held, 2004) relatant l’attitude exclusivement tournée vers les émotions positives

Ainsi, ces controverses ont permis la mise en place d’une seconde vague concernant la psychologie positive qui dès lors ne se concentre plus uniquement sur les aspects positifs mais intègre les aspects négatifs, proposant de les transformer; cela ouvre la porte à une vie épanouissante. Les auteurs Todd Kashdan et Robert Biswés-Diener (2014) ont mis l’accent sur l’importance des émotions positives en postulant leur utilité dans le bonheur dans sa globalité et la réussite pour environ 80% mais ils ont revalorisé les émotions négatives en conseillant vivement à leurs lecteurs de puiser également dans les émotions négatives pour environ 20%. En outre, cette seconde vague (psychologie positive 2.0) prend éminemment en compte la dimension multiculturelle puisqu’elle postule que l’accessibilité des voies vers le bien-être peut être facilitée voire ciselée par les différences multiculturelles (Chang, 1996; Wong, 2013). Cette seconde mouture se veut une science orientée vers la recherche qualitative, empreinte de connaissances des sciences humaines telles que la philosophie, la littérature et la spiritualité.


La psychologie positive s’intéresse à l’adaptation hédonique, à la gratitude et au bien-être social, aux émotions positives et négatives dans le but de prévenir et promouvoir une bonne santé mentale, à la spiritualité et à la recherche de sens.


Concernant l’adaptation hédonique, Raymond Radiguet disait : « Bonheur je ne t’ai reconnu qu’au bruit que tu fis en partant ». On s’accoutume à tout, y compris au bonheur. La psychologie parle d’ « habituation hédonique » - au regard d’un stimulus, il arrive que la réponse à ce stimulus diminue de plus en plus jusqu’à s’éteindre - Christophe André dans son ouvrage Et n’oublie pas d’être heureux ( 2017 ) prodigue deux conseils qui permettent d’éviter ce type de situation, à savoir une prise de conscience répétée des bonheurs quotidiens ( avoir l’eau courante, l’électricité…) et deuxièmement se priver volontairement des « bonnes choses quotidiennes » afin d’évaluer le bonheur de les posséder en temps ordinaires ( ce pourrait être une retraite méditative dans un monastère ou un Ashram associée à un confort rudimentaire). La psychologie positive s’intéresse aux relations entre ressources matérielles et bien-être au niveau individuel (lien entre bien-être et revenus) et au niveau collectif ( lien entre PIB et santé mentale).

Une expérience menée auprès d’une population de gagnants du loto a démontré que quelques mois après l’attribution de leurs gains, ces gagnants n’étaient pas plus heureux que les perdants. Cette expérience prouve qu’il n’y a pas de corrélation entre la variable ressources matérielles et la variable bien-être puisque cette abondance soudaine propulsera les individus dans la perspective d’une existence teintée de gris. En outre, il a été démontré que le bonheur des individus se situe dans la nature des interactions sociales ( Shankland, 2016).


La gratitude nous permet, quant à elle, d’accroitre notre bien-être par une prise de conscience des bonnes choses, de même, elle est un facteur facilitant des liens positifs. Toutefois, il est à noter que notre cerveau nous dirige presque toujours vers les émotions négatives. En effet, ce biais est enraciné depuis de nombreuses années car il s’est montré très utile dans le passé pour réagir aux dangers et assurer la survie de l’espèce humaine. Un exercice classique de psychologie positive permet de contourner ce biais et de travailler à restaurer un certain nombre d’aspect positif en réorientant notre attention en direction des aspects satisfaisants de notre quotidien; il s’agit d’un journal de « bonnes choses » - notez chaque soir 4 à 5 aspects satisfaisants que vous aurez observé durant la journée, souvent il peut s’agir de petites choses passées inaperçues car noyées par le courant dévastateur des ruminations qui vous préoccupent - Cet exercice permet une prise de conscience accrue de perceptions positives et d’en découvrir progressivement de nouvelles.

Comme nous l’avons déjà évoqué précédemment, les émotions jouent un rôle majeur dans la psychologie en générale et plus particulièrement dans la psychologie positive. La psychologie a mis l’accent sur le fait que l’humain est biaisé en faveur de la négativité (pour une revue, voir Baumeister, Bratslavsky, Finkenauer et Vous, 2001), ce qui à pour conséquence d’entrainer un impact supérieur de la valence négative sur la valence positive en ce qui concerne : le traitement de l’information, les émotions et les renforcements des relations interpersonnelles - en psychologie des émotions, le concept de valence renvoie à l’aspect, au caractère plaisant de certains états émotionnels comme la joie, la contemplation du beau auquel on attribue une valence positive par opposition aux émotions à valence négative telles que la peur, la tristesse associées à la souffrance et au mal-être - Même si ce biais en faveur de la négativité est considéré par Baumeister et collaborateurs (2001) comme étant « May be the most basic and far-reaching psychological principles », cette approche du fonctionnement humain particulièrement négative puisqu’elle focalise l’être humain sur l’aspect des anomalies et dysfonctionnements doit être contrebalancée par une approche plus positive. Il est à préciser que les émotions négatives ne sont pas des psychopathologies. Elle sont des signaux visant à orienter vers l’adaptation et l’épanouissement. Accueillir toutes les émotions permet de favoriser une meilleure flexibilité psychologique (Kashdan, Biswas-Diener, 2014). Cela favorise aussi la possibilité de la découverte de l’adversité permettant la croissance personnelle ainsi que d’avoir des effets positifs sur la compréhension du sens de la vie et enfin, sur la transformation de soi ( Shankland, R., Benny, M. (2017). En outre, la psychologie positive permet de travailler sur les émotions notamment les émotions positives afin de cultiver celles-ci, de les laisser s’épanouir et d’en générer de nouvelles car cet exercice est un apprentissage nécessitant un entrainement régulier tout comme un sportif entraine son corps à courir par exemple. Des récentes recherches ont démontré qu’un entrainement régulier au développement des pensées positives, à l’optimisme, aux forces et à l’expression de la gratitude permet de faire disparaitre les symptômes dépressifs ( e.g. Seligman, Steen, Park et Peterson, 2005; Magyar-Moe, 2009).


La résilience est un des facteurs clé de la psychologie positive car nous ne pouvons pas tout positiver et certains événements négatifs qui ne dépendent pas de nous, nous amèneront à mettre à l’épreuve nos capacités de rebondir sur les échecs et par conséquent de nous montrer résilient. Afin de comprendre comment les individus doivent se comporter dans le but d’être psychologiquement en bonne santé, il nous faut parler des deux éléments moteurs de la résilience, à savoir : la spiritualité et la recherche de sens. Vrklja (2000) définit la spiritualité comme « une démarche visant à attribuer un sens aux différents aspects de la vie quotidienne ». Les personnes vivent des expériences personnelles qui les amènent à bâtir une représentation de leur monde et d’elle-même au fur et à mesure du vécu de ses évènements (Janoff-Bulman, 2006). Si l’on est tenté de mettre la spiritualité en parallèle avec la religion, on doit préciser que la spiritualité comme nous venons de le comprendre est étroitement liée à une « démarche personnelle et plutôt subjective » tandis que la religion est institutionnelle puisque selon Vrkljan (2000), elle véhicule des « pratiques liturgiques officielles basées sur des croyances partagées par les personnes y adhérant » ( Chouinard, Melançon & Mandeville, 2012). La spiritualité peut être appréhendée comme un facteur de résilience (Pargament, Desai & Mc Connell, 2006) parce qu’elle occupe une place importante dans les situations d’adversité et d’amélioration du mieux-être (Elkins, 1995). Toute situation d’adversité s’accompagne d’un effondrement des représentations initiales du monde et de la personne entrainant une désorganisation interne de la personne (Gallagher, 1999). Le renforcement de la dimension spirituelle de sa vie est un moyen de retrouver une certaine cohésion, une cohérence, un sens nouveau à sa vie. La recherche de sens est définie par Steger (2000) comme une démarche visant à trouver une utilité, une mission, un but ou une importance à son existence. Il semble évident de noter que sans la motivation de trouver un sens aux différentes activités, expériences ou relations avec les autres, l’individu serait tenté de se désengager voire de développer un trouble pathologique.


En conclusion, la psychologie positive portée par sa démarche scientifique rigoureuse et des études empiriques encourageantes notamment concernant la résilience, facteur incontournable, ouvre une fenêtre sur des possibilités intéressantes tant au niveau de la prévention que du bien-être accru auprès des personnes ayant subi des traumatismes nécessitants de faire face à l’adversité. En tant que science, elle pourrait devenir dans les années à venir une discipline incontournable. Nous pouvons conclure que la psychologie positive est bien une discipline intégrative dès lors qu’on sait qu’elle regroupe d’autres disciplines telles que la psychologie des émotions, la psychologie cognitive… sous l’angle de leurs « caractéristiques positives ».


Bibliographie


  • André, C. (2017). Et n’oublie pas d’être heureux. Abécédaire de psychologie positive. Paris, France : Odile Jacob Poches éditions.

  • Chouinard, J., Melançon, G. & Mandeville, L. (2012). Le fil d’Ariane : un outil favorisant la résilience en réadaptation. Les Cahiers Internationaux de Psychologie Positive, numéro 93(1), 135-157.

  • Dambrun, M. (2012). La psychologie positive : une approche nécessaire et complémentaire?. Les cahiers internationaux de Psychologie Sociale, vol. Numéro 93 (1), 15-20.

  • Lecomte, J. (2012). Est-il justifié de parler de psychologie positive?. Les Cahiers internationaux de Psychologie Sociale, numéro 93(1), 21-36.

  • Regourd Laizeau, M. (2017). La psychologie positive : changement de paradigme ou nouvelle psychologie?. Le Journal des psychologues, 346(4), 22-26.

  • Shankland, R. (2016). Psychologie positive, La Science du bien-être. Les Grands dossiers des Sciences Humaines, 42(3), 23-23)

  • Shankland, R. & Benny, M. (2017). La psychologie positive : de nouvelles pistes pour la prévention et l’accompagnement. Le Journal des psychologues, 346(4), 16-21.







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